Sexy puis douloureux, toujours obsédant, The Rapture reste une invraisemblable énigme. À ranger dans les aberrations fantastiquement illuminées avec Emprise de Bill Paxton.

Dans le tip-tap des claviers d’ordinateurs, Sharon est une voix, un numéro, une employée parmi d’autres. Une téléopératrice prisonnière d’un open-space comme il y en a des milliers d’autres sur la planète. Pour racheter l’ennui de cette vie professionnelle, Sharon a trouvé un camarade de jeu, un amant avec qui elle forme un couple échangiste. The Rapture vient de commencer, et nous voilà plongés dans quelque chose de hors-norme, de trouble, façon orgie d’adultes consentants pré-Crash. Pas banal du tout à Hollywood. C’est assez délicieux, sans jugement, mais le point d’interrogation demeure: de quoi va nous parler The Rapture? Pas vraiment de sexe en tout cas, ou alors si peu.

La belle Sharon, somptueuse Mimi Rogers (dans son meilleur rôle), a choisi donc cette vie de «débauche» en réponse à une société robotique. Mais un jour, alors qu’elle s’apprête à envoyer valdinguer deux chrétiens évangélistes, elle décide de les écouter. Parce qu’elle s’en fout, parce qu’elle n’a rien à faire, parce que pourquoi pas. Elle semble presque touchée par les paroles inébranlables de ces deux bonhommes qui lui tendent une petite bible et s’en vont comme ils sont arrivés. L’amour de Dieu te sauvera, Jésus est amour, tu iras au Paradis.

Soudainement, Sharon décide alors de faire marche arrière et de balayer sa vie décadente. Elle voit dans la religion, un moyen de retrouver goût à la vie, de lui donner du sens, de se joindre à la société qu’elle croyait impénétrable. Elle y entraîne même son amant, un David Duchovny pas encore Mulder (mais déjà Denise Bryson), tout en mulet. Quelques années plus tard, la voilà épanouie parmi les siens, avec une fille, un tablier et une Bible en guise de coussin. Mais, l’enlèvement, «the rapture» donc, est proche: c’est le retour du Christ sur Terre, qui emmène avec lui une tripotée de chrétiens au paradis pendant que le monde entier touche à sa fin. Des visions, des signes, ordonnent la jeune femme de s’abandonner à la nouvelle venue de son sauveur. Elle part donc dans le désert avec sa fille, dans l’espoir de rejoindre les cieux. Malaise.

Malaise oui, parce qu’on se demande où veut en venir ce drame sous le signe de la croix, avec une héroïne à la psychologie un peu taillée à la serpe. Malaise parce que l’on a du mal à comprendre sa foi subitement déglinguée. Malaise face à son sourire convaincu, malaise lorsqu’elle entraîne sa petite fille dans une mission sacrée. In fine: un malaise volontaire, qui ne va évidemment pas dans le sens des protagonistes. The Rapture est passionnant parce que malaisant, étonnant, gracieux, inattendu, tout le temps, scène après scène: lorsque Sharon est prise en flag d’évangélisation au travail, son patron ne la sermonne pas, mais l’adoube malicieusement.

On se demande donc si The Rapture ne se transforme pas en pub Soupline pour chrétiens fanatiques. On vous dira que ce n’est assurément pas le cas, cultivant une très belle ambiguïté comme son cousin Emprise (Bill Paxton, 2001). En fait, il serait dommage de vous révéler le dernier acte, terrible et vertigineux, où le questionnement de la foi est ramené à ses heures les plus sombres. Douloureux, obsédant, sans doute invendable, The Rapture disparut comme il apparut. J.M.

1h 40min / Drame
De Michael Tolkin
Scn Michael Tolkin
Avec Mimi Rogers, Patrick Bauchau, Marvin Elkins
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