J.M. Erre, écrivain: « Je suis cinéphile boulique et je ne compte pas me soigner, docteur »

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Si l’industrie du cinéma français ne manque pas de cinéastes travaillant avec plus ou moins (souvent moins) de bonheur dans le registre de la comédie, les romanciers d’humour ne sont pas légion dans l’Hexagone. Loin des autofictions doloristes, de récits de deuil ou de maladies pour lectrices qui se disent que ça ne va pas si mal ou des romances à Saint-Germain-des-Près (pour les mêmes lectrices, justement), le travail du trublion J.M. Erre fait un bien fou. Frère de l’auteur de B.D. Fabrice Erre et membre de la bande de Groland, ce quadragénaire jovial nous a régalé entre autres avec Le Mystère Sherlock, son exquis Série Z (hommage jouissif au cinéma bis) et, cette année, avec Le Grand n’importe quoi (Buchet-Chastel) – micmac quelque part entre La Soupe aux choux et La Guerre des mondes. Cet amateur des plaisirs coupables sur grand écran se devait dès lors de se confier au renard de Chaos…

Quel est votre rapport au cinéma?
J.M. Erre: Boulimique. Et je ne compte pas me soigner, docteur.

Vous souvenez-vous du premier film que vous avez vu? Si oui, lequel?
Mon premier film au cinéma, c’était Zorro de Duccio Tessari en 1975. J’avais quatre ans et j’ai passé la séance à courir dans les travées : Alain Delon me passionnait déjà.

Quels sont les films qui ont marqué votre parcours de cinéphile par leur intensité, par des séquences précises ou par la simple force des images ?
Impossible de dresser une liste qui serait soit insupportablement interminable, soit scandaleusement incomplète.

Un film qui a failli vous faire quitter une salle ou l’a fait pour de bon?
Avatar de James Cameron. Je n’ai rien contre les blockbusters en général, mais j’ai mal digéré les Schtroumpfs de l’espace.

Un film que vous n’aviez pas envie de voir et qui a été une révélation?
Alabama Monroe de Felix Van Groeningen (2012). Je suis d’habitude allergique aux mélos, mais celui-là m’a scotché.

Est-ce que, dans votre parcours de cinéphile, il y a eu un «avant» et un «après» un film?
Le Battant d’Alain Delon. Ce jour-là, j’ai compris que moi aussi, je serai un battant.

Le film que vous emmenez sur une île déserte?
Dancing machine de Gilles Béhat avec Alain Delon, comme ça je ne serai pas attristé par l’impossibilité de faire fonctionner mon appareil de projection sur une île déserte sans électricité.

En 2050, pensez-vous que l’on fera encore du cinéma?
En 2050, on continuera à raconter des histoires, quelle que soit la forme utilisée. C’est la seule chose qui compte.

Votre dernier coup de cœur (le dernier film vu et aimé)?
It follows de David Robert Mitchell. Raté à la sortie, vu en DVD. Fascinant.

QUIZ CHAOS DU CINÉPHILE
Un film : The Big Lebowski. À égalité avec Fargo (Joel et Ethan Coen, 1998 et 1996).
Une histoire d’amour : Charles Foster Kane et sa luge dans Citizen Kane (Orson Welles, 1941).
Un sourire : celui de Charlie Chaplin, quand la fleuriste ex-aveugle le reconnaît devant sa boutique à la fin des Lumières de la ville (Charlie Chaplin, 1931).
Un regard : Lino Ventura exaspéré par Jean Lefebvre dans Ne nous fâchons pas (Georges Lautner, 1966).
Une actrice : Mireille Darc, chez Georges Lautner et Yves Robert.
Un acteur : Bernard Blier, partout.
Un clown triste : Buster Keaton.
Un début : Les Aventuriers de l’arche perdue (Steven Spielberg, 1981), une ouverture en forme de naissance du héros violemment expulsé de la grotte péruvo-utérine (interprétation personnelle).
Une fin : La planète des singes (Franklin J. Schaffner, 1968) quand apparaît la (spoiler) statue de la liberté à moitié enterrée.
Un coup de théâtre : Sixième sens (M. Night Shyamalan, 1999) quand Bruce Willis découvre à la fin qu’il est a) bientôt chauve ; b) déjà mort.
Un générique : Monty Python : Sacré Graal ! (Terry Gilliam, Terry Jones et quelques lamas, 1975)
Une scène clé : la douche mouvementée de Janet Leigh dans Psychose d’Alfred Hitchcock.
Un plaisir coupable : les comédies des années 1965-1985 avec Paul Préboist, Michel Galabru, Darry Cowl, Francis Blanche, Pierre Tornade, Robert Castel, Pierre Doris… Quelle époque !
Une révélation : le cinéma de Woody Allen, une révélation toujours renouvelée.
Un gag : n’importe quelle scène des Bronzés font du ski (Patrice Leconte, 1979) ou du Père Noël est une ordure (Jean-Marie Poiré, 1982).
Un fou rire : la tête, la démarche et la diction de Bernard Pruvost dans P’tit Quinquin (Bruno Dumont, 2014).
Un film (de) malade : Signé Furax (Marc Simenon, 1980). Maurice Risch se coince la tête dans l’obélisque de la Concorde, Jean le Poulain entonne «Tout le monde il pue», Pierre Desproges joue les speakerines. Pathologie surréaliste. Vu enfant, marqué à vie.
Un rêve : Un chien andalou (Luis Buñuel et Salvador Dali, 1929). Rasoir, fourmis et séminaristes.
Une mort : la crucifixion de Brian dans La Vie de Brian (Terry Jones, 1979) au rythme de Always look on the bright side of life.
Une rencontre d’acteur : Dominique Zardi, dont la calvitie râblée a rythmé mes déambulations dans le cinéma français, de Chabrol à Mocky en passant par Sautet et Granier-Deferre.
Une scène de cul : le dépucelage d’Adso dans le monastère du Nom de la rose (Jean-Jacques Annaud, 1986). De qui vous donner la Foi.
Une réplique: «C’était mon steak, Valance…» de John Wayne à Lee Marvin dans L’Homme qui tua Liberty Valance (John Ford, 1962).
Un silence : Clint Eastwood, le grand taiseux.
Un plan séquence : l’ouverture de Breaking News (Johnnie To, 2004). Ou les déambulations hypnotiques des lycéens dans Elephant (Gus van Sant, 2003).
Un choc : Metropolis de Fritz Lang dans la version Giorgio Moroder de 1984. J’avais treize ans. Peut-être risqué de le revoir aujourd’hui ?
Un artiste sous-estimé : Jean-Pierre Mocky.
Un traumatisme : l’apparition du monstre du Loch Ness dans La Vie privée de Sherlock Holmes (Billy Wilder, 1970). J’avais cinq ans. Revu l’année dernière, un peu moins effrayé.
Un gâchis : la filmographie de Dario Argento à partir de Ténèbres (1982). Nostalgie du giallo.
Un souvenir de cinéma qui hante : Sim chantant «La jolie petite libellule» dans Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais elle cause (Michel Audiard, 1970).
Un film français : Delicatessen (Jean-Pierre Jeunet, 1991).
Un réalisateur : Alfred Hitchcock
Allez, un second : Joel et Ethan Coen
Un fantasme : les titres des films de Jesus Franco.
Un baiser : le french kiss de l’alien à John Hurt dans Alien, le huitième passager (Ridley Scott, 1979).
Une bande son : La BO d’Alexandre Desplat pour The Grand Budapest Hotel (Wes Anderson, 2013).
Une chanson pour le cinéma (et qui n’apparait dans aucun film) : Love too soon, de PJ Harvey et Pascal Comelade.
Une chanson de cinéma (et qui n’a jamais été mieux qu’au cinéma) : Bambino, reprise par Jean Dujardin dans OSS 117 : le Caire, nid d’espions (Michel Hazanavicius, 2006).
Un somnifère : Eric Rivette et Jacques Rohmer.
Un frisson : Danny répétant «Redrum» dans Shining (Stanley Kubrick, 1980).
Un monstre : Annie Wilkes, incarnée par Kathy Bates dans Misery (Rob Reiner, 1990).
Un torrent de larmes : Quand l’inspecteur s’emmêle (Blake Edwards, 1964) avec Peter Sellers – larmes de rire évidemment..

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