[BUTCHER, BAKER, NIGHTMARE MAKER] William Asher, 1981

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Un jour, on ne sait pas pourquoi, le très gentil réalisateur William Asher, venu de la télé à papa, habitué du beach movie et de la série Ma sorcière bien aimée, a eu envie de réaliser un film gore et chaos: Butcher Baker, Nightmare Maker (1981). C’est insensé. Ou presque. Avec son couple de teen dorés en personnages principaux et ses scènes de lycées, cette séduisante anomalie s’assure bien de reprendre les codes esthétiques du genre en vogue, le slasher, pour aller parader ailleurs.

Alors, est-ce que les derniers instants de Vendredi 13 (Sean S. Cunningham, 1980), où Betsy Palmer criait dans son gros pull « KILL HER MOMMY » à la pauvre Adrienne King, auraient donné des idées à certains? Sans le vouloir, et avant que le gros lourdeau au masque de hockey ne prenne le relais, le début de cette saga pas très fut-fut réveillait les démons de la hagsploitation, sous-genre du cinéma d’horreur qui pris vie grâce (ou à cause?) du succès de Qu’est-il arrivé à Baby Jane? (Robert Aldrich, 1963). Soit, euh, comment résumer cela? Disons des films de vieilles méchantes folles, tout simplement. Des mamies old fashioned au bord de la crise de nerfs. Des barjos maquillées lourdement qui giflent les enfants et fracassent les maris égarés, puits d’inspiration sans limite pour les drags-queens du monde entier.

Après le début des années 70, le genre ne fait plus long feu. il faut dire que les impériales Shelley Winters et Bette Davis, pour ne citer qu’elles, avaient autre chose à foutre. Noyé dans le camp jusqu’au cou, William Asher réactualise la formule dans Butcher Baker Nightmare Maker mais avec moins d’élégance et de délicatesse. En guise de mad queen, l’indispensable et regrettée Susan Tyrell, sortie à l’époque de Contes de la folie ordinaire de Marco Ferreri et de Forbidden Zone de Richard Elfman (la reine Doris!), actrice volcanique dont les traits de mère maquerelle démente font qu’on ne l’oublie pas de sitôt. Elle endosse les tabliers et les perruques de Tante Cheryl, vieille fille qui a adopté son cher neveu depuis la mort violente de ses parents (à laquelle on assiste dans une introduction qui laisse sans voix). Un fils par procuration qu’elle protège férocement du reste du monde: plus que l’enfant qu’elle n’a jamais eu, il est l’homme de la maison qu’elle refuse de perdre (on vous laisse cogiter en ce qui concerne toute la dimension incestueuse). Des murs tapissés d’icônes poussiéreuses et un regard contrarié sur une capote suffiront d’ailleurs à résumer en quelques plans toute la folie et la frustration du personnage. Lorsqu’un soir la crazy tantine se jette sur le réparateur télé dans l’espoir d’être comblée, elle se voit violemment repoussée, n’ayant pas jeté son dévolu sur le bougre le plus hétéro du patelin. De rage, elle le corrige au couteau de cuisine et fait croire à son neveu qu’elle ne faisait que de se défendre d’une tentative de viol.

C’est le début d’une chute de dominos qui mènera bien sûr à l’explosion meurtrière de la mégère dans un fabuleux carnage final avec squelette dans le placard (littéralement), nuit d’orage et grand coup de hache. Pas de doute, les traditions de la hagsploitation ne se perdent pas, mêlées à une violence sale et graphique qui tâche de partout. Plus le film avance et plus Tyrell devient une grimace vivante: bouche tordue et cheveux en bataille, ronronnant dans la nuit machette à la main, folle aux chats sans chats. Et l’horreur de résider également autour: Bo Svenson roule des mécaniques en inspecteur de police sadique et homophobe qui n’a de cesse de poursuivre l’innocent blanc-bec sans reproches, persuadé d’être tombé au beau milieu d’un règlements de compte pédé. Il faut saluer une telle idée de script à une époque où les gays étaient encore mal fichus dans le cinéma de genre, en faisant du flic le psychopathe de service, tout en compatissant pour un couple, montré sans clichés, qui n’était pas tombé sur la maison la plus tranquille. De la série B pas bête et méchante comme l’on aime.

Titre original: Night Warning
Réalisation: William Asher
Scénario: Steve Breimer, Boon Collins, Alan Jay Glueckman
Avec: Jimmy McNichol, Susan Tyrrell, Bo Svenson, Julia Duffy
Sociétés de production: S2D Associates & Royal American Pictures
Durée: 96 minutes
Sortie: 1982
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