Du bel ouvrage, du satin noir sur pellicule, que l’on aimerait bien revoir enfin dans une copie tout à fait décente et lisible. À bon entendeur…

Chef-d’œuvre soyeux, maniaque et vertigineux de la littérature bdsm (ou de la littérature tout court), Histoire d’O a toujours été un rêve d’adaptation, concrétisé assez lamentablement par Just Jaeckin en 1975 dans le film éponyme. Auréolé du succès d’Emmanuelle, l’ancien photographe en tirait un catalogue d’images sans saveur ni venin, laissant même les grâces de sa suite à Shuji Terayama, le temps d’un Fruits de la passion plus bizarre, plus chaos, mais finalement tout aussi loupé (et ne parlons même de Histoire d’O 2). Maudite la Pauline Reage? Peut-être. Durant sa période française, Kenneth Anger fut à deux doigt de signer son Histoire d’O à lui: film perdu ou jamais tourné, la légende demeure, et c’est presque plus beau comme ça. Le vrai Histoire d’O filmique, ou celui qui s’en rapproche le plus, restera The Story of Joanna, un des bijoux de l’âge d’or du X américain, que le réalisateur de Deep Throat signa après avoir échappé aux droits du livre de Reage. Qu’à cela ne tienne, il en gardera le noyau juteux : un châtelain mourant séduit une jeune femme et l’entraîne dans son château pour lui faire découvrir mille sévices et plaisirs.

Pas du genre à traiter son sujet à la légère, Damiano retrouve la verve dark qui faisait le prix de son atomique Devil in Miss Jones, mais en jouant cette fois à fond la carte du maniérisme baroque. Les yeux immenses de Teri Hall parcourent des salons tapissés et obscurs, où attendent phallus dressés et fouets ardents. Un visage d’une élégance et d’une classe tout en contraste avec les bimbos à venir du X, comme Georgina Spelvin dans Devil in Miss Jones, vieille girl next door qui réanimait sa chair face caméra. En prince romantico-sadique, l’indécrottable Jamie Gillis, plus posé qu’à son habitude, s’offre tout de même une scène de fellation homosexuelle qui brise toutes les cases que l’on aimerait poser aujourd’hui sur un film de ce genre.

Plus précieux que hargneux, Story of Joanna flirte plutôt avec un sado-masochisme bourgeois, loin de la cruauté de L’esclave. On s’arrête ici à une flagellation de cuisses dans une salle aux miroirs du meilleur effet. La beauté de l’imagerie luxurieuse fascine sans doute plus Damiano que sa sauvagerie : on se laisse chatouiller par une scène d’amour où les très gros plans, d’habitude grossiers, sont magnifiés, on finit envoûtés par une scène de danse virevoltante ou par une image arrachée à Derrière la porte verte où la belle Terri se fait happer et parcourir par une armada de mains. J.M.

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