Sucker Punch : Interview Zack Snyder

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Après une série d’adaptations (Watchmen, 300) et de remakes (L’armée des morts), Sucker Punch est le premier film que Zack Snyder a écrit, en collaboration avec Steve Shibuya (Killer Clowns from Outer Space).

Après Le royaume de Ga’Hoole : La légende des gardiens, Zack Snyder s’est offert un petit plaisir coupable à 85 millions de dollars avant le reboot de Superman. Après avoir dragué les enfants avec son précédent long métrage, il vise cette fois-ci la même cible adolescente que 300. Conformément aux intentions, cette déclinaison de Alice aux pays des merveilles se situe quelque part entre science-fiction et fantasy et se révèle la somme de tous les fantasmes virils dans un univers cauchemardesque. Il suffit d’être réfractaire à l’un de ces éléments ou aux afféteries visuelles de Zack Snyder pour rejeter le film et le résumer à un jeu vidéo avec des actrices sexys sur fond vert. En faisant fi de toute sensibilité – qu’il laisse aux soumis et aux faibles, Snyder montre des filles qui, à défaut de fantasmer le prince charmant, veulent s’affranchir comme des guerrières tragiques. Rencontre.

Comment est né Sucker Punch?
La genèse du film date d’avant L’armée des morts (2003). J’avais rédigé une petite nouvelle où l’héroïne s’appelait déjà Babydoll et agissait comme une guerrière. Des mecs atroces voulaient la forcer à danser et, par la musique, elle réussissait à échapper à son quotidien. J’ai relu cette histoire des années plus tard, je trouvais ça un peu limite, même si l’idée restait cool. J’ai demandé à Steve Shibuya (Killer Clowns from Outer Space) de le developper avec moi. On voulait accentuer la menace et le refuge onirique, au risque de paraître manichéen. Il n’y a aucune place pour la nuance dans Sucker Punch. Le corps reste mais l’esprit est parti. Si je devais définir Sucker Punch, ce serait ça : éprouver la sensation de mourir et de ressentir une âme quitter un corps.

C’est aussi un mélange d’action, de fantastique et de steampunk.
Oui. Même si le steampunk reste une influence à la fois manifeste et abstraite. En théorie, ça ressemble à une vision dégénérée de l’esprit qui reste dans la tête et qui a priori n’est jamais reproduite sur un écran de cinéma. Moi, j’avais envie d’aller jusqu’au bout du délire, d’autant que ce traitement correspondait idéalement au sujet de l’évasion (le même que dans un film de prison avec des détenus qui veulent s’extraire d’un milieu carcéral).

Quelles ont été vos autres influences?
La grande influence de Sucker Punch, c’est Brazil, de Terry Gilliam (1985) dont j’ai repris quelques motifs (l’évasion par le rêve, la lobotomisation, l’oppression esclavagiste, le décollage épique libérateur). Parmi les créatures (les samourais, les dragons), on peut reconnaître tel ou tel genre. Mais je dois également citer La planète des singes, Total Recall, La quatrième dimension ou encore Excalibur pour les costumes des soldats.

Comment avez-vous travaillé le score?
J’y ai pensé un an avant le tournage, au moment où je réécrivais le scénario. Tyler Bates, Marius De Vries et moi-même avions des envies communes. Perso, je voulais White Rabbit, Love is Drug et Army of Me. On voulait aussi utiliser la version de Sweet Dreams, par Marilyn Manson. Mais c’était trop flippant et trop redondant avec les images. La musique est essentielle dans Sucker Punch car elle doit exprimer un sentiment puissant, une force salvatrice. Je comprends ceux qui disent que l’ensemble évoque aussi une comédie musicale. A sa manière, c’en est une. Pour l’anecdote, quand Emily Browning a passé l’audition, elle a chanté Killing Me Softly. Elle a cartonné. Et surtout je voyais qu’elle était capable de chanter. C’est ce qui a contribué à faire la différence.

De la même façon qu’il possède des univers parallèles, Sucker Punch contient différents niveaux de lecture – certains plus équivoques que d’autres.
L’ambiguïté est volontaire. On peut prendre Sucker Punch comme un divertissement ou un drame. C’est ce qui m’avait marqué dans Brazil, de Terry Gilliam, lorsque je l’ai vu : on l’interprète de manière différente en fonction de sa sensibilité. Certains y trouveront une farce hilarante et absurde sur la bureaucratie; d’autres, une tragédie dont on ne se relève pas. Je vous parie que d’un côté, il y aura ceux qui seront en parfaite connexion avec le récit, y verront un divertissement fun et léger tout en assimilant parfaitement l’enjeu dramatique (une fille devenue folle se réfugie dans un monde imaginaire) ; et ceux qui vont se focaliser sur des détails, reconsidérer le récit d’une différente manière en fonction des dialogues à double sens et seront peut-être déprimés par la noirceur.

Comme dans tous les films qui se déroulent dans des hôpitaux psychiatriques, la confusion naît du point de vue (qui raconte l’histoire?).
Oui, il faut voir le film à répétition pour distinguer ce qui tient du réel et de l’imaginaire. A l’arrivée, on se rend compte que Sucker Punch est plus complexe que prévu. Ce n’est pas un film qui cherche à plaire mais plus un film extrême qui détermine justement la limite des fantasmes. Faut-il en plus considérer Sucker Punch comme un grand plaisir coupable? Evidemment! Encore faut-il en avoir conscience. Ma seule peur, c’était de paraître trop bizarre, trop dégénéré pour le propre bien du film et donc d’exclure ceux qui ne sont pas familiers avec le genre.

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