[SPOOKIES] Thomas Doran, Brendan Faulkner & Eugenie Joseph, 1987

0
1484

Encombrée de masques de latex boursouflés et d’une crasse presque palpable, la jaquette VHS de Spookies, comme tant d’autres d’ailleurs, faisait partie de ces promesses sur papier au temps des bandes magnétiques un peu folles. La mention «festival du film fantastique de Paris» enfonçait le clou: si couronne il y a eu, c’est que ça doit être forcément bien. On s’en imagine dix milles choses, dix mille scènes, ça sent la cave, et c’est très bien comme ça: même sans une vraie belle affiche à l’horizon – car on est clairement loin d’un travail d’orfèvre – le cerveau faisait des bulles.

Spectre de vidéo-clubs et de vide-grenier, Spookies a bâti son petit culte ainsi. À l’arrivée, pas un grand film, mais un spectacle généreux qui donnait exactement ce qu’il vendait sur sa jaquette: du caoutchouc difforme non identifié qui sentait la poussière et le moisi. Son histoire, des aveux même de ses créateurs, est meilleure que le film lui-même: Brendan Faulkner et Thomas Duran, deux débutants, se lancent dans la confection de Twisted Souls, un monster mash de bric et de broc où des abrutis perdus sur une route de campagne investissent une maison abandonnée (et hantée of course). À défaut d’avoir une expérience charpentée en écriture ou en direction d’acteurs, les zigotos misent tout sur leurs monstres, qui apparaissent énergiquement à l’écran dès qu’ils le peuvent: des zombies dégoulinants, un serpent à tête de Boglins, des golems de boue, la grande faucheuse elle-même (parce que pourquoi pas), une mémorable femme araignée… Futur monster-maker de l’industrie FX, Gabe Garlatos n’avait que 16 ans sur le tournage, et côté cast, on y croise Charlotte Alexandra, qui fut la Thérèse Philosophe de Borowczyk (le deuxième segment onanistique de Contes Immoraux) ou la Vraie jeune fille de Breillat, en stone cold bitch fumant ses vogues en attendant que le prochain gloumoute lui saute à la gueule.

Au moment du montage, un différend avec le producteur met à pied Twisted Souls: les deux réalisateurs sont dépossédés de leur joujou. On ne garde qu’une petite moitié du film et hop, le producteur véreux engage Eugenie Joseph, réalisatrice sans grande expérience, pour des reshoots pas très orthodoxes. Les acteurs de Twisted Souls ne sont pas rappelés, le chef-op Ken Kelsch (qui a perdu son tout jeune fils sur le tournage du film) est mis sur la touche au profit d’un certain Robert Chappell (au style parfois plus esthétisant que son prédécesseur), mais on garde le décor principal: une intrigue parallèle, où un Dr Phibes de Leader Price ressuscite son infortunée épouse, est collée au reste du récit. Mais il y a aussi cet étrange homme chat très agressif, qui ouvre le film en enterrant vivant un gamin en fugue. Etonnamment, il s’agit peut-être des séquences les plus soignées et les plus dérangeantes du film qui, soudainement, a le mérite de bien porter son deuxième nom.

L’improbable maison de style colonial où se déroule toute l’action, son cimetière de carton pâte et ses tombes molles ont ce charme du train fantôme grimaçant de province, où on est un peu gêné jusqu’au fond des os même si on ne croit à rien. Le finale, tourné d’ailleurs durant les reshoots, avec sa mariée se débattant inlassablement en pleine nuit avec une vingtaine de morts-vivants, finit presque par monter à la tête avec ses figurants trop nombreux et ses plans de traviole: malgré ses prétentions fun, Spookies a quelque chose de profondément nauséeux, comme un sale cauchemar de jours de fièvre. 

Article précédentGuy Maddin a des choses à dire et à filmer
Article suivant[EN CHAIR ET EN OS] Pedro Almodovar, 1997

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici