Des réseaux sociaux qui appellent au boycott de Netflix à la droite conservatrice qui en fait une récupération politique, Mignonnes de Maïmouna Doucouré est attaqué de toute part outre-Atlantique. Netflix continue heureusement de soutenir son auteure, obligée de se justifier lundi.
Fin août, Netflix a présenté ses excuses après avoir été accusé par des internautes d'”hypersexualiser” des enfants dans un visuel (consternant) utilisé pour promouvoir le beau film français Mignonnes, auréolé d’un prix de réalisation au festival américain de Sundance et racontant la trajectoire d’Amy, parisienne de 11 ans, devant jongler entre les règles strictes de sa famille sénégalaise et la tyrannie de l’apparence et des réseaux sociaux, intégrant un groupe de danse formé par trois autres filles de son quartier, dont les chorégraphies sont parfois suggestives. Le vif émoi autour de cette mauvaise mise en valeur du film sur la plateforme n’était en réalité que le début d’une polémique qui, depuis, ne cesse de prendre de l’ampleur.
Ce récit d’apprentissage, où une collégienne de 11 ans rejoint un groupe de danse qui s’adonne au twerk, dénonçant la sexualisation précoce des jeunes filles, continue en effet d’aviver les critiques. Jeudi 10 septembre, des milliers d’internautes ont appelé via les réseaux sociaux, à boycotter Netflix, accusé d’avoir mis en ligne ce film qui, selon eux, sexualise les enfants héroïnes, avec le mot-clé #CancelNetflix (supprimer Netflix). Soit, quand même, plus de 200 000 tweets avec ledit hashtag. Ailleurs, d’autres voix s’expriment comme l’actrice Evan Rachel Wood qui a publié des stories Instagram sur le sujet en des termes peu élogieux.
Si les attaques sont venues de tous types d’internautes, y compris à gauche, le sujet a incontestablement rassemblé de nombreux conservateurs américains, parmi des membres du parti républicain dont certains sont candidats au Congrès. “La pornographie juvénile est illégale en Amérique“, a tweeté DeAnna Lorraine, qui fut candidate républicaine en Californie pour un siège à la Chambre des représentants. “En tant que mère d’une fille de 8 ans, je soutiens fermement #CancelNetflix“, a renchéri Beatrice Cardenas, elle aussi républicaine de Californie.
Ce week-end, un stade a été franchi. Mignonnes a subi une campagne de démolition en règle, notamment sur Fox News.
Tucker Carlson & @HeyTammyBruce Blast Netflix & Our Ruling Class For Making & Promoting Filth Like “Cuties”
Tucker: “A sure sign this civilization is in trouble…late Rome for real.”
Tammy: “Maybe Jeffrey Epstein didn’t kill himself. Maybe he’s working as a consultant.” pic.twitter.com/W7zlKj6A4q
— The Columbia Bugle 🇺🇸 (@ColumbiaBugle) September 11, 2020
De son côté, le sénateur Ted Cruz, ex-candidat à la primaire républicaine pour la présidentielle, a annoncé avoir saisi la justice fédérale contre la diffusion de Mignonnes par Netflix, ayant pris contact avec le procureur général américain William Barr, afin que le ministère de la Justice s’en mêle et détermine “si Netflix, ses dirigeants ou les individus impliqués dans le tournage et la production de Mignonnes ont violé les lois fédérales contre la production et la distribution de pornographie infantile“.
.@netflix’s ‘Cuties’ sexualizes 11-year-old girls, and it’s disgusting and wrong. That’s why I’ve asked AG Barr to investigate whether Netflix, its executives, or the filmmakers violated any federal laws against the production and distribution of child pornography. pic.twitter.com/OuhE6ifmGi
— Senator Ted Cruz (@SenTedCruz) September 13, 2020
Tout comme l’élu de l’Indiana Jim Banks, les sénateurs Tom Cotton et Josh Hawley, ce dernier ayant envoyé une lettre au directeur général de Netflix, Reed Hastings pour qu’il retire Mignonnes du catalogue.
.@Netflix should explain to the public why it is distributing a film, “Cuties,” that appears to sexually exploit children and endanger child welfare pic.twitter.com/OZH4HCLy0Y
— Josh Hawley (@HawleyMO) September 11, 2020
Et la polémique ne concerne pas seulement les Etats-Unis… Au Canada aussi, le nouveau chef du Parti conservateur du Canada Erin O’Toole a publié un message comparant le long métrage à de “l’exploitation” et au “mal”.
Je suis un père profondément troublé par cette émission, sur Netflix. L’enfance est une période d’innocence. Nous devons en faire plus pour protéger nos enfants. C’est de l’exploitation et c’est mal. https://t.co/oFkKiO7LeL
— Erin O’Toole (@erinotoole) September 12, 2020
Face à ce torrent de critiques, ils ont été quelques-uns à monter au créneau pour défendre le film, parmi eux la comédienne américaine Tessa Thompson (Creed), qui l’a trouvé “magnifique“. “Il permet à une nouvelle voix de s’exprimer“, a-t-elle écrit sur Twitter, en référence à l’auteure, qui “puise dans son expérience“. “Je suis déçue par le discours actuel” qui critique le film, a-t-elle ajouté.
Et heureusement, Netflix n’abandonne pas le film ni son auteure: “C’est un film primé et une histoire puissante sur la pression que les jeunes filles subissent sur les réseaux sociaux, et de la part de la société en général lorsqu’elles grandissent — et nous encourageons tous ceux qui se soucient de ces questions importantes à regarder le film” assure la plateforme dans un communiqué.
En France, le film est en salles depuis mercredi 19 août. Il importe de le voir pour se faire un jugement, et de le soutenir envers et contre tous ceux qui cherchent à le démolir, comme en atteste sa simple moyenne sur Google…