Rubrique à Brac. Paris et sa banlieue. 5 filles, 5 garçons. Deux histoires. Un jour d’été. Eric Rohmer ? Hong Sang-soo ? La nouvelle saga estivale de KD2A (confere Coeur Océan) ? C’est un peu de tout ça, mais en encore mieux.

Rohmer or not Rohmer? Cette coproduction avec le CNSAD–aka le Cons comme on dit dans le 9ème – confirme tout le bien que l’on pensait du bonhomme, dont on attendait des nouvelles depuis l’hiver 2014 et son Tonnerre mi-figue mi-raisin. Une sacrée lurette qui sera bientôt comblée : son L’île au trésor sort le 4 juillet, histoire de vous mettre l’eau à la bouche.

L’Amie du dimanche, le premier film de ce double-programme Contes de Juillet, raconte l’histoire de Milena et Lucie, deux collègues qui profitent d’un dimanche ensoleillé pour se pavaner sur l’île de loisirs de Cergy-Pontoise. L’intervention d’un « t-shirt orange » (maitre-nageur courtoisement appelé « agent de prévention » dans le synopsis), coureur de jupons bien insistant, donnera une nouvelle couleur à ce mini-trip estival, forçant les deux copines à séparer leurs routes, et s’initier chacune à leur manière à un simili de rencontre amoureuse.

Un espace vert municipal où il ne se passe pas grand-chose, mais qui imprime la promesse excitante que quelque chose peut arriver à tout moment : on pense beaucoup au Parc de Damien Manivel, autre film-monde où la nature parle, respire, mange et partagerait presque son verre de Ricard avec nous. Tout l’art de Guillaume Brac est là : refuser les cadres élégiaques et réussir à trouver, dans une petite forme pourrait-on dire, la grâce de ces quelques moments fugaces, où les déceptions, les jalousies, et les refus sont évidemment au programme (rappelons que Brac a filmé le plus beau râteau de l’histoire dans Un monde sans femmes).

On sort de son cinéma avec peu de certitudes, mais avec la mince garantie d’avoir, à un moment ou un autre, approché nous aussi ces instants-là (il suffit de voir le retour au bercail en train, ou le rouge des peaux mal tannées pour comprendre qu’on est en présence d’un film atmosphérique splendide).

La figure du coureur des cœurs que rien n’arrête fera le voyage jusqu’au second film du programme, Hanne et la fête nationale, qui s’ouvre au matin du 14 juillet 2016 dans la chambre d’une étudiante norvégienne à Cité universitaire. Sur le matelas au pied de son lit, un étudiant italien profite du sommeil de la belle pour s’astiquer à la verticale, s’ajournant naïvement à son champ de vision (ce ne serait pas drôle sinon). Première apparition intrusive dans la vie de Hanne, qui va collectionner les effractions intempestives toute la journée : on entre chez elle sans frapper, on la skype toujours au pire des moments, on la rencarde (sans trop lui laisser le choix) 30 secondes après avoir fait sa connaissance au Champ de Mars.

Là encore, le principe d’incertitude gouverne : Guillaume Brac laisse les trouvailles scénaristiques des acteurs tisser la matière du film, ne laissant jamais le spectateur en terrain conquis. C’est peut-être le réal qui fait ça le mieux aujourd’hui, ayant évidemment retenu la leçon de Du côté d’Orouët (Jacques Rozier, 1972), grand film matrice qui a créé bien des envies de devenir cinéaste.

Hanne et la fête nationale prendra des accents plus tragiques en fin de parcours, l’alcool se noyant dans le flot brutal de l’actualité azuréenne. On ne vous en dit pas plus : ruez-vous sur cette double ration de merveille.

GAUTIER ROOS

NOS NOTES ...
Gautier Roos
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guillaume-brac-ete-chaosDate de sortie 25 juillet 2018 (1h 10min) / De Guillaume Brac / Avec Miléna Csergo, Lucie Grunstein, Jean Joudé / Genre Comédie dramatique / Nationalité Français

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