[CRITIQUE] WOLF CREEK de Greg McLean

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Trois jeunes randonneurs quittent leur ville d’Australie pour trois semaines de trekking dans le désert australien. Ils en profitent pour aller admirer Wolf Creek, un cratère causé par un météorite vieux de plusieurs milliers d’années. Cette nuit-là ils retrouvent leur voiture en panne. Lorsque un autochtone leur propose de l’aide, ils se croient sauvés. Pourtant, le vrai cauchemar commence.

L’horreur en Australie, ça vous parle ? Mis à part Undead, des frères Spierig, sous-Braindead qui empruntait beaucoup d’éléments à diverses séries B sans posséder d’identité propre, rien à se mettre sous la dent. Le clivage pourrait peut-être changer avec Wolf Creek, premier long métrage de Greg McLean qui a fait l’effet d’une bombe partout où il est passé. D’où une réputation de bête de festival. D’où une déception légitime à l’arrivée. Il est amusant de constater à quel point Hostel et Wolk Creek portent en eux les mêmes scories alors qu’ils ne reposent pas sur les mêmes ambitions. Le film d’Eli Roth, exagéremment soutenu par Quentin Tarantino qui a trop vite vu en son poulain le nouveau Sam Raimi, cherche à atteindre les summums du plaisir coupable avec des nanas à poil, du gore en-gore et du Takashi Miike déguisé en Brigitte Fontaine. Wolf Creek se veut plus viscéral. A l’aune du Projet Blair Witch et plus récemment d’Open Water, deux films dont on est en droit de discuter les qualités comme d’épuiser les beautés, Wolf Creek, sélectionné à Sundance, fait partie de ces petits films d’horreur manufacturés avec de maigres moyens et qui tentent non sans générosité d’aller au-delà de leurs contraintes budgétaires. Celui-ci, venu d’Australie, passe pour avoir été racheté par Dimension films (3 millions de dollars) alors que son budget ne dépassait pas les 2 millions.

Comme pléthore de films actuels, Wolf Creek est based on a true story. 1992. Les corps de deux touristes (même pas la vingtaine) sont retrouvés en état de décomposition. Une enquête est ouverte et les piétinements des policiers façon Memories of Murder commencent. Dix victimes de plus. Leur point commun ? Elles sont tous âgées de 19 à 23 ans. Un jour, les autorités découvrent qu’elles ont toutes été prises en stop. La police suppose que le tueur possède un véhicule et qu’il a le don de rassurer ses passagers. L’enquête dure deux ans avant l’arrestation du coupable : Ivan Milat, un toqué d’armes à feu qui harcelait des hommes et des femmes avec son sniper. Un fait divers effrayant qui a inspiré cet opus…
Selon un canevas balisé qui évoque un Delivrance du pauvre (des jeunes gens qui partent en randonnée dans le désert Australien) avec bien sûr un ton vériste idoine très années 70 (caméra portée à l’épaule), Wolf Creek, titre trompeur et malin, est un survival qui ne provoque aucune sympathie. C’est à la fois sa qualité et son défaut. Qualité parce que ce n’est pas tous les jours qu’on voit un tueur en série montré sous son aspect le plus humainement monstrueux (on a même parfois l’impression que le cinéaste prend clairement son parti au détriment des pauvres proies) ; défaut, parce qu’à force de déshumaniser ses personnages au risque de les confiner à des pantins bons à passer au hachoir, le réalisateur tête brûlée vire dans le délire gore sans queue ni tête. Ainsi, le sous-texte politique ostensible dans divers survival des années 70 passe à la trappe, en dépit de quelques allusions à la guerre au Viêt-Nam qui sonnent davantage comme une lourde référence au Massacre à la tronçonneuse ou Crocodile de la Mort , tous deux de Tobe Hooper, dont on attend le possible revival avec Mortuary. Cela aboutit à un produit hybride, couillon dans le fond (avec son scénario qui tient sur un ticket de métro) comme la forme (caméra branlante qui prétend sonder la nervosité des trois protagonistes).

On pourrait arguer qu’il s’agit d’une version moins conceptuelle de 29 Palms de Bruno Dumont, ou comment un road-movie faussement tranquille se mue progressivement en objet filmique déviant et insoutenable. Pendant une longue première partie, le film équivaut à une heure et des poussières de rien, de fausses fêtes et de prises de tête assez bidons pour montrer que ces jeunes gens sont vraiment trop cools. Très vite, l’inaction et l’accumulation de détails superflus (montres qui s’arrêtent, visions étranges…) ne font pas avancer le schmilblick. On s’en doute, c’est pour mieux laisser planer la menace jusqu’à ce que le clou du spectacle ne défonce tout sur son passage. C’est là que le bât blesse : en remettant constamment à plus tard la grande menace, le cinéaste ne fait que de la ratatouille horrifique en amplifiant des rebondissements déjà vus ailleurs et en mieux.

Avant que le grand méchant loup ne vienne torturer ses ouailles, le réalisateur recycle les clichés les plus éculés où les questionnements métaphysiques flirtent avec le zéro, des embrassades en haut de la colline et un environnement hostile, que ce soient les villageois du village et de vaines zébrures temporelles (McGean va jusqu’à nous jouer le coup de l’éclipse). En tentant de coller au caractère minéral de son sujet ; en privilégiant le huis clos au fantastique, Wolf Creek ne s’échappe à aucun instant des conventions. Douloureux problème qui alourdit considérablement la bobine frivole…

L’ensemble ne vaut que pour son dernier tiers, véritable sommet d’horreur paroxystique qui seulement à cet instant peut prétendre envoyer des ondes positives aux survivals des années 70, dans la lignée de Massacre à la tronçonneuse, avec monstre à visage humain et des post-ados contemporains et beaux qui crient fort. Les images finales, très explicites, ont au moins le mérite de donner aux goreux ce qu’ils ont envie de voir mais, hélas ! faute de substance, l’ensemble ne devrait guère supporter plusieurs visions. La randonnée aurait pu (et dû) être encore plus mortelle, mais à une heure de calibrage éhontée, ce serait faire la fine bouche que de faire la fine bouche.

NOS NOTES ...
Paimon Fox
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