[CRITIQUE] THE FLORIDA PROJECT de Sean Baker

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La vie est belle même quand elle est moche. Moonee a 6 ans et un sacré caractère. Lâchée en toute liberté dans un motel de la banlieue de Disney world, elle y fait les 400 coups avec sa petite bande de gamins insolents. Ses incartades ne semblent pas trop inquiéter Halley, sa très jeune mère.

Conte de fées freakshow
. Voici donc le petit film que personne n’a vu venir, même au dernier Festival de Cannes où il était présenté à la Quinzaine des réalisateurs et qui est en train de faire chavirer les cœurs. L’argument est en or: on y suit une gamine délurée vivant dans un motel près de Disney World et la jeune interprète est géniale: elle s’appelle Brooklynn Prince et l’on comprend à la fin de la projection pourquoi tout le monde s’enflamme pour cette bombe – du même niveau que Jacob Tremblay dans Room (Lenny Abrahamson, 2015). Autour d’elle, les autres comédiens n’oublient pas de vivre: il y a bien un acteur pro (Willem Dafoe, qu’on ne présente plus) et une pléiade d’acteurs non-pro (Bria Vinaite qui joue la mère a été découverte sur Insta et Valeria Cotto qui joue la timide Jancey a été repérée dans un supermarché) qui, ensemble, donnent une cohérence à ce film à la fois réaliste et magique, trouvant de la noblesse chez les oubliés, les laisses-pour-compte, les marginaux. C’était déjà le cas dans Tangerine qui fonctionnait sur le même principe de la nécessité de dévoiler l’envers du rêve américain, de montrer une Amérique White Trash agonisant en périphérie, à l’ombre du capitalisme triomphant, et de provoquer des confrontations sociales. Si son sujet, documentaire, illustre la crise du logement, le réalisation, elle, se veut aux antipodes. On a connu des programmes moins excitants.
Pour le réalisateur Sean Baker, qui a mis du temps avant de trouver son style (ce n’est pas un débutant, ni un génie soyons clairs) et à qui il faut reconnaitre du flair pour trouver ses sujets, ses personnages, ses acteurs, il importe de donner une visibilité à ceux que l’on ne voit jamais dans le cinéma américain. C’est un pari casse-gueule et il est plutôt tenu, tout simplement parce que Sean Baker a de la suite dans ses idées. En d’autres termes, il est inspirant dans son regard ré-enchanteur sur le monde, en quête d’une nouvelle façon d’appréhender avec sensibilité le monde. Cette impolitesse, qui devrait être celle de tous les cinéastes, constitue un vrai motif de réjouissance dans un cinéma américain rompu à des formules depuis des décennies. Mais il faut que le trouble-fête fasse aussi attention à ne pas tomber dans la caricature, son ornière la plus évidente, et l’on a presque envie de dire sa propre caricature. Car, exactement comme dans Tangerine, le film, fonctionnant sur l’énergie et pompant l’esthétique d’un Harmony Korine (Spring Breakers), accuse des baisses de régime, n’échappe à des facilités d’écriture, à des hystérisations un peu vaines, à une connivence un peu calculée – pour ne pas dire ostentatoire – avec le public… Et tout en fanfaronnant sa modernité, nous semble parfois paradoxalement daté. Autre écueil: celui qui n’entre pas dans cet univers rose-bonbon faussement superficiel, fait de poésie, de crudité, de broc et de lose, risque de se trouver fort dépourvu au moment de la jolie chute…

NOS NOTES ...
Jean-François Madamour
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critique-the-florida-project-de-sean-bakerDate de sortie 20 décembre 2017 (1h 51min) / De Sean Baker / Avec Brooklynn Prince, Bria Vinaite, Willem Dafoe / Genre Drame / Nationalité américain

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