[CRITIQUE] MADEMOISELLE de Park Chan-wook

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Pourvu qu’elle soit douce. Corée. Années 30, pendant la colonisation japonaise. Une jeune femme (Sookee) est engagée comme servante d’une riche japonaise (Hideko), vivant recluse dans un immense manoir sous la coupe d’un oncle tyrannique. Mais Sookee a un secret. Avec l’aide d’un escroc se faisant passer pour un comte japonais, ils ont d’autres plans pour Hideko…

Et j’vis comme une boule de geisha. Qui tinte. On le connaît hargneux, lyrique, manipulateur, vicieux. On l’a vu s’exporter sans se renier aux States, explosant avec Stoker un exercice de style déglingué maquillé en thriller bateau. Et le voilà de retour au pays natal, offrant aux petits sièges cannois un film en costumes, poudré, soyeux. On flippe un peu et puis on comprend vite, très vite: Park Chan-Wook va bien. Et nous aussi du coup.
D’abord pensé en 3D (ce qui aurait été très chaos), Mademoiselle (chez nous, le titre The Handmaidenrappelait forcément The Handmaid et son récent remake) s’avère un film en plusieurs dimensions: à cause de son intrigue ciselée en trois parties, de ses fausses pistes, de ses chausse-trappes, de ses tiroirs. Tout est pensé comme son décor principal, ensorcelant et majestueux, un manoir victorio-japonais qu’on devine hanté par autant de fantômes que de secrets. C’est dans ce cadre qui invite au voyeurisme, aux oreilles plaquées contre les portes et aux gémissements nocturnes, qu’une petite voleuse transformée en servante se joint à un arnacoeur/arnaqueur afin d’escroquer une comtesse fantomatique. Dans cette bâtisse qui ne voit jamais le jour, la belle japonaise au teint blanc est promise à un ogre, un tonton lubrique et sadique en l’occurrence, se réfugiant dans une collection de livres et d’estampes cochonnes. Sookie, la receleuse maintenant soumise, tombe cependant sous le charme de sa maîtresse… bientôt maîtresse. Vous suivez?
Sans trop vous dire, mettez Sade et Sex Crimes dans un bol de velours, et vous aurez Mademoiselle. Dans un contexte très particulier (l’occupation japonaise en Corée dans les années 30), Park Chan Wook prend ses aises et décide pour la première fois d’user son énergie autrement que dans la démence, la violence graphique (même si on y coupe quelques doigts) ou les cabrioles visuelles. L’essentiel, c’est de voir que l’homme est toujours un grand metteur en scène, tour à tour romanesque et pervers, tordu et ludique. Peut-être – ce n’est qu’une supposition – affolé par les scènes saphiques de La vie d’Adèle, Wook décide aussi de jouer aux ciseaux, offrant des tableaux affolants renvoyant ni plus ni moins qu’au meilleur du roman porno japonais (qui va ressusciter d’ailleurs bientôt). Parce que derrière les coups bas et les horreurs, le réalisateur de Old Boy est toujours un sentimental, nous laissant avec les tintements de quelques boules de geisha dans la nuit…

NOS NOTES ...
Jérémie Marchetti
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critique-mademoiselle-de-park-chan-wookDate de sortie 2 novembre 2016 (2h 25min) De Park Chan-Wook Avec Kim Min-Hee, Kim Tae-Ri, Jung-Woo Ha Drame, Romance, Thriller Sud-coréen

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