[CRITIQUE] LA PEAU DE BAX de Alex Van Warmerdam

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Le jour de son anniversaire, Schneider, un tueur à gages, reçoit un contrat à honorer : l’exécution de l’écrivain Ramon Bax, fringant retraité vivant dans une modeste résidence au milieu des roseaux sauvages, décrit comme un bourreau d’enfants. D’abord réticent, Schneider accepte en espérant bien rentrer assez tôt pour aider sa femme à préparer les festivités du soir prévues en son honneur.

Le plaisir pur du cinéphile, c’est de s’imaginer des films qui n’existent pas. De fantasmer des films fantômes qui ne verront jamais le jour. Ainsi, on se demande souvent à quoi aurait ressemblé un blockbuster par le hongrois Béla Tarr. Et pourquoi pas un western par le batave Alex Van Warderdam pendant qu’on y est? Ne riez pas trop fort, vous en avez rêvé, le réalisateur des Habitants l’a fait avec La peau de Bax, son film d’action à lui, le rigoureux roi du plan fixe qui fait rire jaune. 

Pour mémoire, après une période de vaches maigres (Waiter!), on l’avait retrouvé en super forme avec Borgman. La peau de Bax, impeccablement mis en scène, rassure quant à l’inspiration de son auteur: AVW toujours envie de raconter des histoires fofolles avec des personnages doubles (le gentil papa est en fait un méchant tueur à gages) qui, confrontés au mal, se découvrent en plein tumulte existentiel, eux-mêmes interprétés par des visages familiers (le réalisateur himself dans le rôle éponyme et beaucoup de ses acteurs fétiches). C’est bel et bien un film de famille grattant le vernis des apparences, où s’opposent deux visions de la famille. D’un côté, celle du propre-sur-lui Schneider, riche en faux-semblants et en hypocrisie bourgeoise, dont la femme et les enfants sont beaux et éclatants comme dans une pub Ricoré ; et de l’autre, celle du junkie alcoolique Bax, en lambeaux et détraquée, où chaque membre est agité par des pulsions inavouables et/ou des névroses insupportables. La confrontation de ces deux mondes donne lieu au chaos (forcément) où rien n’est ce qui semble être. Par ce système d’oppositions claires, La peau de Bax se révèle un film plus accessible que Borgman, disons plus «aimable» et moins «fermé». Limite trop carré pour les amateurs purs et durs du cinéaste qui adorent lorsque AVW montre les crocs pour ne rien résoudre, laisse le spectateur se débrouiller avec les bons et les méchants, les moins bons et les moins méchants. 

Cela nous empêche guère de rire comme des baleines devant cette farce où comme chez les frères Coen les résistances des personnages sont testées, mises à rude épreuve. On regarde ainsi les gesticulations – et les sauts – burlesques de ces messieurs-mesdames très méchants (les ordures sont physiquement ordinaires) et donc  hilarants, s’engluer dans le marécage comme un cimetière de la morale. Mieux vaut ne pas trop en dire sur les différents effets de surprise. Contentons d’affirmer que la dimension absurde de cette guerre pour rien, où l’on s’envoie des ordres par texto, où l’on s’autorise à frapper les vieux – mention spéciale pour Henri Garcin, acteur fétiche de Van Warmerdam, qui prend cher dans un rôle monstrueux – fait beaucoup de bien. Last but not least, la bonne nouvelle, la plus-value : il n’est pas interdit d’être ému par la jolie relation entre le vieil ours écrivain et sa fille déprimée, que l’on s’imagine un poil clichée dans les séquences liminaires et qui, au fil des mésaventures, parvient à générer une vraie émotion. Histoire de nous dire que même lorsque tout va mal, il est possible de trouver un apaisement. Du cinéma comme on l’aime.

NOS NOTES ...
Jean-François Madamour
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