Cogan : Brad Pitt, producteur audacieux

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Après « L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford », Brad Pitt produit et joue de nouveau dans un long métrage audacieux du réalisateur australien Andrew Dominik : « Cogan, la mort en douce » (Killing Them Softy), un polar noir reflétant les convulsions de l’époque.

Déjà malin dans ses choix de comédien, Brad Pitt a suffisamment de flair pour répéter les talents de demain. Cela se voit de plus en plus lorsqu’il produit. Il prend des risques assez inouïs à Hollywood et surtout à une période de frilosité extrême, un peu à la manière de son ami George Clooney plus politiquement engagé. Ainsi, Brad Pitt a commencé en coproduisant « Les Infiltrés » de Martin Scorsese avant de prendre sous son aile « Un cœur invaincu », de Michael Winterbottom, « Kick-ass », de Matthew Vaughn, « The Tree of Life », de Terrence Malick ou encore « Le Stratège », de Bennett Miller, des films très différents les uns des autres qui possèdent en commun une vraie singularité dans le paysage américain. D’ailleurs, Brad Pitt défend actuellement en tant que producteur et acteur un film de zombies très prometteur : « World War Z », de Marc Forster.

La passion Andrew Dominik
Cela fait maintenant deux films que l’acteur soutient le réalisateur australien Andrew Dominik. Brad Pitt l’avait remarqué avec son coup d’essai, « Chopper », portrait d’un tueur en série quelque part entre « The Ugly » et « Henri portrait d’un tueur en série », qui avait révélé l’acteur Eric Bana, impressionnant en monstre humain. Brad Pitt a proposé à Andrew Dominik de venir aux Etats-Unis et de dépeindre le pays de son point de vue d’étranger. Une première collaboration a eu lieu avec « L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford », une sorte de néo-western sublime qui proposait un point de vue différent sur un mythe américain et où la lutte entre deux hommes (Jesse James et Robert Ford) s’avérait psychologique, sentimentale, mortelle.
C’était le film de toutes les révélations : Brad Pitt n’avait jamais paru aussi charismatique au cinéma (sauf peut-être chez David Fincher), Casey Affleck acteur jusque-là transparent s’imposait soudain comme une véritable valeur et Andrew Dominik s’affirmait comme un cinéaste majeur. Une sublime élégie donc où l’éblouissement et la mélancolie constituaient une seule et même nature.
Dans « Cogan – La mort en douce », Dominik continue de se présenter comme l’héritier contemporain de Don Siegel et de Richard Brooks en tant qu’observateur avisé de l’Amérique et de son ambiguïté morale. D’autant que les enjeux sont prometteurs : lorsqu’une partie de poker illégale est braquée, c’est tout le monde des bas-fonds de la pègre qui est menacé. Les caïds de la Mafia font appel à Cogan (Brad Pitt donc) pour trouver les coupables. Mais entre des commanditaires indécis, des escrocs à la petite semaine, des assassins fatigués et ceux qui ont fomenté le coup, Cogan va avoir du mal à garder le contrôle d’une situation qui dégénère.

Un tableau sinistre de l’ère « Yes, We Can »
Andrew Dominik a adapté un roman des années 70 (« L’art et la manière », de George Higgins) en le transposant à notre époque, lors du discours d’investiture de Barack Obama, en pleine crise économique, et en prenant la mafia comme microcosme de l’Amérique. Ce nouveau long métrage, qui sort mercredi dans les salles, a été présenté en compétition au dernier Festival de Cannes, où il n’a guère séduit Nanni Moretti et son jury (aucune récompense). Et à dire vrai, le résultat est assez décevant voire déceptif, largement en-dessous de « L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford ». La première demi-heure, virtuose, laisse promettre un chef-d’œuvre. Mais tout est si mystérieux, tous les personnages sont si louches que très vite on ne sait plus où donner de la suspicion.
Ce que l’on reproche le plus à Andrew Dominik sur ce coup, c’est de prendre la pose du petit malin, au risque de tomber dans la sous-Tarantinade (une bande-son un peu décalée, l’étirement des séquences et les joutes oratoires) ou dans le registre post-Fincher un rien dépassé de mode (l’assassinat dans la voiture au ralenti). Et lorsque Dominik veut raconter l’histoire de l’Amérique, pays en totale déliquescence, peuplé de dégénérés qui ne pensent qu’au sexe et au pognon, il martèle, en faisant passer une tautologie pour un discours subversif (l’espoir post-Bush fils/Obama est déjà éteint parce que le peuple a la haine). Pour autant, malgré les défauts de « Cogan », on sait gré à Brad Pitt de mouiller le maillot et de défendre des films ayant une forme, un discours, une ambition cinématographique. Ce qui, par les temps qui courent, n’est pas si fréquent.

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